Etre un artiste peintre !

La voie de l’art est mystérieuse ; le temps de la création qui vient et part au gré des aléas n’est autre qu’une prédisposition. Mais il faut travailler cette prédisposition et faire preuve de beaucoup d’humilité pour être un artiste.

Le temps pour le peintre ne sert pas de mesure ; une année ici est sans valeur et dix ans ne sont rien. Etre un artiste ce n’est pas calculer, ni compter ; c’est mûrir comme l’arbre qui ne presse pas sa sève et affronte tranquillement les tourmentes. Or il vient, mais il ne vient que si l’artiste, sans soucis, attend aussi tranquille et ouvert que s’il avait l’éternité devant lui. La patience c’est tout.

 « Le mouvement »  c’est ce qui me plait le plus : capter une attitude, une scène, le souvenir d’une action. Il faut travailler sans cesse le corps humain, observer, comprendre.                                                                              

Peindre le corps humain est sans doute le plus difficile, de même que le portrait. Car pour bien dessiner ou peindre le corps humain, il faut des années d’expérience. Je suis encore dans le temps de l’apprentissage, mais cessera-t-il un jour ?

Je pense que chaque artiste a un regard qui lui est propre sur le corps humain. Le rapport peintre /modèle  est également particulier : demander à une femme  de venir poser plus ou moins nue n’est jamais une chose aisée, même si de nos jours, cela est plus facile. Il faut une requête particulière qui se noue immédiatement, un rapport de confiance ; l’hésitation et le temps de la réflexion sont des choses normales. En plus, pour la grande majorité des modèles, c’est un combat contre elles mêmes et l’image de leur propre corps.

Il y a aussi l’aspect relationnel car peindre ou dessiner la femme, c’est travailler avec un modèle. Le modèle est la fondation d’un tableau. En revanche il n’y a aucun besoin d’un rapport séducteur ;  il y a seulement besoin d’une complicité, d’une proximité morale et artistique.

Ainsi, chaque relation qui nait est unique et il faut que nous atteignions cette connivence pour que viennent l’inspiration et l’envie de peindre. Une fois cette connivence atteinte, le modèle bouge librement et naturellement entre deux poses et c’est là, soudain, qu’apparaissent « le mouvement », l’attitude qui lui va le mieux, le naturel et l’oubli de la présence du peintre.

Dans le monde de la peinture figurative, il y a deux sortes de peintres : ceux qui peignent sur « le motif », en extérieur : paysages, fleurs, portrait etc., sans oublier le modèle vivant. C’est la liberté.         

Puis il y a les peintres « d’atelier », qui sont des peintres d’imagination ou de mémoire, de croquis ou de supports photographiques. C’est le confort !

Je ne néglige pas le travail sur le motif avec mes modèles. J'ai acquis l’aisance nécessaire  pour croquer des personnages ou des scènes. J’enrichis ma mémoire, je crée un lien avec mes modèles en prenant le temps de les observer, de les voir bouger et surtout de leur parler. Je rends hommage à toutes celles qui ont accepté de poser pour moi. 

Je suis conscient des difficultés. Il faut énormément de concentration pour peindre ce qui est difficile. Lorsque je me suis attaqué à la carnation, j’ai buté sur cette difficulté. Mais soudain la vie apparaît sur le tableau.

Il n'y a pas d'explication rationnelle.

Enfin, le temps de la création achevé, vient celui de l’organisation : dater, titrer, signer, encadrer, classer, exposer.